Le point sur les greffes et les patients étrangers
Suite à diverses publications s’inquiétant d’une éventuelle perte de chance pour les patients français inscrits sur la liste nationale d’attente, l’Agence de la biomédecine détaille en transparence, les conditions pour être inscrit en attente d’un greffon ou pour bénéficier d’une greffe d’organe en France.
1. Compétences de l’Agence de la biomédecine dans la gestion des greffes d’organes
L’Agence est chargée, dans le domaine du prélèvement et de la greffe d’organes, de l’enregistrement de l’inscription des patients sur une liste nationale des personnes en attente de greffe, de la gestion de cette liste et de l’établissement des règles de répartition et d’attribution des greffons. Elle assure en outre le fonctionnement du registre national automatisé des refus de prélèvements d’organes.
Par ailleurs, l’Agence assure le suivi et l’évaluation de ces activités grâce notamment à l’analyse qualitative et quantitative des informations dont elle dispose sur les résultats obtenus.
Enfin, elle rend compte de ces missions, au Gouvernement et au Parlement, dans son rapport annuel d’activité et établit régulièrement un état des lieux des éventuels trafics d’organes et des mesures prises pour lutter contre de tels trafics.
2. Accès à la liste nationale d’attente de greffe pour les personnes non résidentes en France
Les conditions d’inscription sur la liste nationale d’attente sont fixées par l’article L. 1251-1 du code de la santé publique qui prévoit que « peuvent seules bénéficier d’une greffe d’organes, de cornées ou d’autres tissus dont la liste est fixée par arrêté, après avis de l’Agence de la biomédecine, les personnes, quel que soit leur lieu de résidence, qui sont inscrites sur une liste nationale ».
En vertu du 7° de l’article L. 1418-1 du code de la santé publique, l’Agence de la biomédecine est chargée « d’enregistrer l’inscription des patients en attente de greffe sur [cette] liste ». L’inscription sur la liste nationale d’attente suppose d’abord une décision d’ordre strictement médical, qui est prise par les équipes hospitalières des établissements autorisés à pratiquer la greffe.
L’arrêté du 24 novembre 1994 relatif à la gestion de la liste nationale d’attente prévoit que les patients inscrits sur la liste nationale font l’objet d’une demande de prise en charge préalable auprès de l’organisme d’assurance maladie dont ils dépendent. Une fois cette prise en charge obtenue, le directeur de l’établissement procède à la validation administrative de l’inscription du patient qui devient ainsi définitive et donne lieu à enregistrement sur la liste nationale tenue par l’Agence de la biomédecine.
Concernant les patients étrangers non-résidents en France, l’arrêté du 24 novembre 1994 prévoit spécifiquement qu’ils doivent être en possession d’une attestation du Ministre chargé de la santé de leur pays d’origine, certifiant que la greffe ne peut pas être effectuée dans le pays considéré et mentionnant les raisons de cette impossibilité. Ces patients doivent également fournir à l’établissement de santé greffeur, une attestation sur l’honneur qu’ils ne sont pas inscrits sur une autre liste d’attente nationale. S’ils ont satisfait à ces exigences et que l’indication médicale est retenue, ils sont inscrits sur la liste nationale après avis favorable du directeur de l’établissement de santé, qui vérifie notamment que la prise en charge financière de l’intervention est assurée par le pays d’origine du patient.
La décision d’accepter l’admission de non-résidents en vue d’opérations de prélèvement ou de greffe n’implique à aucun stade l’Agence de la biomédecine. L’OFII, puis le préfet compétent sont seuls habilités à intervenir dans l’élaboration de titres de séjour délivrés à des fins de prélèvement ou de greffe. Les éléments chiffrés sont donc nécessairement connus de l’OFII. Ces dispositions s’appliquent que les patients soient en attente de greffe à partir d’un donneur décédé ou d’un donneur vivant.
Pour les patients en situation de super-urgence (c’est à dire dont le pronostic vital est engagé à très court terme), une procédure spéciale existe, qui fait intervenir un ou plusieurs experts indépendants. L’équipe de greffe qui suit le patient demande l’inscription en super-urgence et l’expert apprécie s’il y a lieu de l’autoriser ou pas. La décision de l’expert s’impose à l’Agence de la biomédecine, qui place alors le patient en position de super urgence nationale sur la liste d’attente.
En dehors des situations rares et spécifiques de super-urgence, le fait de résider dans un pays ne disposant pas d’un système de soin performant peut constituer une contre-indication à la greffe qui reste à l’appréciation de l’équipe médicale prenant en charge le patient, le suivi post-transplantation nécessitant un suivi médico-chirurgical rapproché et un traitement immunosuppresseur au long cours.
Le cadre législatif est clair et dépourvu d’ambiguïté : une fois l’inscription enregistrée sur la liste nationale d’attente, les considérations relatives à la qualité de non-résident ou à la nationalité sont inopérantes.
De même, la nationalité ou le lieu de résidence d’une personne décédée dans un hôpital en France ne fait pas obstacle par principe au prélèvement de ses organes en vue de greffe. Les patients étrangers résidant en France sont soumis au droit français et les patients étrangers de passage en France peuvent également être prélevés en France suivant les règles de consentement de leur droit de prélèvement à leur droit national.
3. Proportion de patients non-résidents greffés en France
Entre 2015 et 2022, les patients résidant hors de l’Union européenne ont représenté 0,8 % du total des personnes greffées, et les résidents dans l’Union européenne (hors France) 0,8 % également. Ce taux est stable. Il s’agit d’un taux très faible au regard du nombre de greffes réalisées en France.
Pour ce qui concerne l’inscription de patients sur la liste nationale d’attente, l’ordre de grandeur n’est pas différent. Entre 2015 et 2022, de manière cumulée, les patients résidant hors de l’Union européenne ont représenté 0,6 % du total des personnes nouvellement inscrites sur la liste nationale d’attente, et les résidents dans l’Union européenne (hors France) 0,67 % de ce même total. Il n’a pas été noté d’évolution à la hausse au cours de la période récente.
4. Prévention d’éventuels trafics d’organes et des mesures de lutte contre ces trafics
En vertu de l’article L. 1418-1-1 du code de la santé publique, l’Agence établit un rapport annuel qui comporte un état des lieux d’éventuels trafics d’organes et des mesures de lutte contre ces trafics pour lequel l’Agence réalise une enquête.
Par ailleurs, l’Agence de la biomédecine conduit un travail de coopération avec les pays du Maghreb dans le but de les aider à développer leurs propres capacités de prélèvement et de transplantation. Si la crise sanitaire récente a limité la fréquence des échanges avec nos partenaires habituels d’Afrique du Nord, les contacts ont repris et ont permis d’organiser à Paris en mai 2022 le colloque France-Maghreb, destiné à renforcer les capacités de prélèvement et de greffe dans ces pays.
5. La greffe de moelle osseuse
Il faut rappeler que le don et la greffe de moelle osseuse fonctionnent sur un principe essentiel de solidarité internationale. Les 73 registres nationaux de donneurs volontaires de moelle osseuse dans le monde, représentant une base de 42 millions de donneurs, sont tous interdépendants.
Pour l’année 2023, 1 174 patients en France ont bénéficié d’une greffe de moelle osseuse grâce à des donneurs volontaires non-apparentés. Parmi les greffons prélevés, 91 % provenaient de donneurs étrangers.
Pour réaliser une greffe de moelle osseuse, le donneur et le malade atteint d’une maladie grave du sang (comme les leucémies par exemple) doivent être parfaitement compatibles, c’est-à-dire partager la même « carte d’identité immunologique ». Chaque personne possède son propre profil génétique, déterminé par ses origines et son histoire génétique familiale. Les objectifs nationaux de recrutement de donneurs visent donc à ce que chaque registre reflète la diversité des origines de la population vivant dans le pays.
Aujourd’hui, on constate que lorsqu’un patient a besoin d’une greffe, la probabilité de trouver un donneur compatible dans le registre est plus grande si le patient est de type caucasien. En effet, historiquement, les registres de donneurs volontaires de moelle osseuse se sont plutôt développés dans l’hémisphère nord, la population caucasienne y est donc très bien représentée. Il y a donc une perte de chance majeure pour les malades issus de pays ne disposant pas de registre nationaux, ou issus de familles métissées, y compris au sein d’un même pays.
Il est donc nécessaire de rééquilibrer cette tendance, car plus il y aura de diversité parmi les donneuses et les donneurs, plus on aura de chances de trouver des personnes compatibles avec le maximum de malades qui ont besoin d’une greffe de moelle osseuse pour guérir.